Ces deux dernières années, environ 3500 salariés dont beaucoup de jeunes ont perdu leur emploi principalement sur la zone aéroportuaire de Roissy CDG mais y compris sur Orly. Il s’agit systématiquement de perte d’emploi comme conséquence des retraits des habilitations par la Police de l’Air et des Frontières (PAF) pour le renouvellement des badges donnant accès aux zones réservées de l’aéroport.
Dernièrement, les média ont - enfin - beaucoup parlé de ces salariés qui pour certains travaillent depuis plus de dix ans sur l’aéroport et auxquels la Préfecture de la Seine Saint Denis leur a refusé le renouvellement des badges aéroportuaires, parfois sans justification !
Pourquoi et comment en sommes-nous arrivés là ?
Après les attentats de New York en septembre 2001, des mesures de sûreté ont été prises sur les aéroports américains mais aussi évidemment en Europe. Soyons clairs : le risque existe et il est légitime de s’en protéger, d’assurer autant que faire se peut la sécurité des vols, des passagers et des salariés ; pour autant, nous assistons à de très graves dérives liberticides sous le prétexte sécuritaire. Ainsi, après 2001, les autorités américaines avaient imposé une « procédure spécifique d’entrée » sur le territoire US aux étrangers nés dans 10 pays « cible » ( sauf l’Arabie Saoudite, qui n’a pas de démocratie mais ... du pétrole ! ) : les personnels navigants d’AF n’y ont pas échappé et à l’époque la direction PNC du Centre de Lignes Amériques avait écrit aux agents PN concernés pour leur signaler le « circuit spécifique » que ces agents devait subir à l’arrivée sur le territoire US. Avec à la clé, un interrogatoire obligatoire avec un agent du Transportation Security Agency, faisant ainsi des collègues PN, ayant eu le malheur d’être né à Tunis ou au Caire, des suspects potentiels de terrorisme !!! Rappelons qu’à l’époque la Commission européenne, le gouvernement français ainsi qu’Air France se sont piteusement écrasés sur ce qu’il faut nommer un « délit de sale gueule » ???
Ils sauront tout, tout ... sur votre vie privée !
La consultation et le croisement des fichiers par la Police de l’Air et des Frontières (PAF) concernant tous les demandeurs de badges deviennent dignes d’un Etat totalitaire : fichier STIC ( fichier des Infractions Constatées dans tous les commissariats, concerne plusieurs millions de personnes en France) ; fichier Judex de la Gendarmerie ; fichier des Renseignements Généraux ; fichier de l’Unité Centrale de Lutte Anti Terroriste ...
Comment cela se passe t’il ?
A partir de la consultation de ces fichiers, la Préfecture décide en dernier ressort de l’attribution des badges ou non. Elle adresse donc un premier courrier au salarié lui signifiant qu’il aurait « une attitude pouvant mettre en cause la sûreté aéroportuaire ». Le salarié peut alors demander à présenter ses « observations orales » à la Préfecture : il est alors interrogé par un fonctionnaire accompagné d’un policier et les questions portent, entre autres, sur sa vie privée et se conclut généralement par une sollicitation du salarié à jouer les indicateurs de police. Enfin, un nouveau courrier dans lequel on lui reproche son « comportement » et sa « moralité ». Cerise sur le gâteau : on lui dit qu’il « présente un danger significatif pour la sûreté aéroportuaire » ... rien que çà ! Rappelons que la Commission Nationale Informatique et Libertés ( CNIL) a interpellé le gouvernement sur « sa vive préoccupation au sujet des conditions dans lesquelles ces fichiers sont actuellement utilisés dans le cadre des enquêtes administratives ».
Quels sont les éléments apportés par les fichiers de police pour justifier un tel verdict ?
Tout d’abord, les salariés d’origine maghrébine subissent la plus grosse discrimination : suspects à priori, il leur suffit de fréquenter une mosquée pour être considéré comme dangereux. Des jeunes salariés ayant parfois des années d’ancienneté et parfaitement intégrés se voient reprochés des faits mineurs, s’étant parfois produits des années auparavant : consommation de cannabis, délits mineurs, etc ...mais cela peut tout aussi bien être du tapage nocturne, infraction au Code de la route, divorces, problèmes fiscaux ... Mais aussi, des grévistes de Trac Piste ont eu leurs badges suspendus pour 7 jours, pour fait de grève sur Roissy ; les bagagistes de CBS ont été réquisitionnés par la Préfecture du 93 l’année dernière, à partir d’un décret gouvernemental d’exception datant ... de la guerre d’Algérie !!
Au prétexte de la sécurité, une dérive sécuritaire et liberticide !
Ces mesures prises au nom de la sécurité ont en fait pour but de placer les salariés sous contrôle : discrimination raciste, intimidation des grévistes, chantage à l’emploi : pas de badges, pas de boulot ! Et ce n’est pas tout : installation de caméras vidéo tous azimuts et fouille à corps des syndicalistes chez Servair, obligation d’avoir en permanence à chaque vacation 3 pièces d’identification et fouille des véhicules des salariés sur les établissements industriels ou d’exploitation d’Air France sur les aérogares.
Concilier sécurité et respect des libertés :
C’est possible : il faut que les fonctions de sûreté sur les aéroports soient confiées des agents d’ADP et/ou à des fonctionnaires : trop de boîtes de sûreté sont créées de toutes pièces par d’anciens flics pour se faire du fric, et sont par ailleurs inefficaces et les conditions de travail pourries pour les salariés.
Résister, résistons !
Des salariés ont décidé de défendre leur droit devant le Tribunal administratif de Cergy Pontoise, certains ont pu récupérer leur badge, les syndicats SUD Aérien, CGT, CFDT , l’association MRAP ont pris des avocats pour porter plainte pour non respect du Code du travail, du Code pénal, de la législation française et européenne sur les libertés individuelles et collectives ... des pétitions intersyndicales circulent ainsi qu’un Appel unitaire signé aussi par des associations de défense des droits : Ligue des Droits de l’Homme, etc...