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La gestion de l’ancien PDG d’Air Littoral est sur la sellette après la liquidation de la compagnie

dimanche 22 février 2004.


Au lendemain de la mise en liquidation judiciaire de la compagnie régionale Air Littoral, Marc Dufour, son dirigeant historique, engagé dans la course à la présidence du conseil régional du Languedoc-Roussillon, sous l’étiquette UDF, se trouve en fâcheuse posture, obligé de rendre des comptes sur sa gestion quand il comptait capitaliser des suffrages sur son image d’entrepreneur.

Mardi 17 février, le choc du jugement passé, des salariés d’Air Littoral ont formé un cortège pour rejoindre la permanence de leur ancien patron, distante de quelques centaines de mètres du tribunal de commerce de Montpellier. Là, ils ont conspué celui qu’ils accusent d’avoir coulé la compagnie, en scandant, notamment, « Dufour en prison ». Le lendemain, le secrétaire d’Etat aux transports, Dominique Bussereau, exprimait ses doutes : « Je voudrais être sûr que -la a toujours été bien gérée, que les choses se sont faites dans la parfaite légalité, déclarait-il. Peut-être, un jour, la justice aura-t-elle à se pencher sur la gestion de cette entreprise, comme elle est en train de le faire sur celle d’Air Lib. » Il rejoignait le syndicat CFDT   de l’aérien, qui demandait, le 9 février, devant le conseil supérieur de l’aviation marchande réuni pour l’examen d’un énième dossier de reprise d’Air Littoral, la formation d’une commission d’enquête parlementaire.

M. Dufour affirmait dans un communiqué, jeudi : « La disparition de la compagnie constitue un drame social et économique, d’autant plus cruel, que j’ai consacré toute ma vie professionnelle à la développer ». Il s’est déclaré « à la disposition » d’une commission d’enquête et se déclare prêt à « lui fournir tous les éléments nécessaires à l’élaboration de son rapport, comme je le propose depuis de nombreux mois à ceux qui mettent en cause ma gestion ».

Un an après la liquidation d’Air Lib, l’ouverture d’une enquête et la mise en examen de ses dirigeants, la compagnie héraultaise pourrait suivre le même chemin. Troublante coïncidence, elles sont toutes deux passées par le giron de l’ancien SAir Group, lorsque la holding helvétique, qui chapeautait Swissair et la belge Sabena, entendait constituer un « second pôle aérien français »pour concurrencer Air France. Mais si c’est la gestion postérieure à cette éphémère aventure qui suscite des interrogations dans le cas d’Air Lib, c’est sur celle qui a précédé la vente d’Air Littoral au groupe Suisse que se portent les regards.

En 1998, alors PDG, M. Dufour refusait pour la deuxième fois une offre de rachat d’Air France et lui préférait SAir-group. Un choix amèrement regretté par ses salariés, qui attendent leur lettre de licenciement en regardant avec envie les filiales régionales d’Air France. Pour beaucoup, l’explication de ce choix se trouve dans un rapport de la « brigade financière privée » d’Antoine Gaudino. L’ancien policier, dont le travail a été commandé en 2001 par le comité d’entreprise d’Air Littoral et financé par souscription des salariés, y détaille les montages capitalistiques de la compagnie depuis 1992.

UN VOLET POLITIQUE

Selon ce rapport, qui se base sur les documents publics déposés aux greffes d’une soixantaine de sociétés, une série de malversations a commencé en 1992, au moment du rachat d’Air Littoral par Euralair, pour un franc symbolique, via une filiale constituée spécialement, CFIA. Euralair, contrôlée majoritairement par Michel Seydoux, et CFIA étaient présidées par Alexandre Couvelaire. Deux ans plus tard, Aéro finance participations (AFP) rachetait 49,9 % de CFIA à Euralair. Pour 124 600 francs. « Ce qui ramènerait la valeur du groupe à un niveau dérisoire », écrit M. Gaudino. AFP était détenue par M. Dufour et deux autres anciens dirigeants de la compagnie, Pascal Fulla et Jean-Marie Vignes.

En 1996, la compagnie est valorisée à hauteur de 20 millions de francs. Puis à 104 millions pour 89,9 % des parts en 1997. En 1998, après une nouvelle fusion, le groupe atteint 375 millions de francs. SAir-group entre alors à hauteur de 49 % en payant le prix fort.

Le rapport Gaudino dénonce l’existence d’une « société écran » en 1992 pour dissimuler des actionnaires, un « délit d’abus de biens sociaux » en 1994, la publication de « bilans non sincères » de 1992 à 1998 et une « dissimulation fiscale » en 1996-1997... L’ensemble aurait permis à M. Dufour, Fulla et Vignes de se partager près de 94 millions de francs. Et, avec les actionnaires du groupe MSC, détenu principalement par Michel Seydoux, de toucher « à l’étranger et de manière occulte » de « fortes plus-values ».

Publié en 2001, le rapport a été démenti par M. Dufour, qui a assuré que toutes ces opérations financières avaient été contrôlées et validées. Jeudi, il soulignait l’aspect politique de l’affaire, alors qu’il n’a pas encore déposé en préfecture sa liste UDF, concurrente de celle de Jacques Blanc, le président sortant UMP du conseil régional, dont M. Bussereau fut le directeur de cabinet, au ministère de l’agriculture, en 1977.

Raphaël Ortscheidt (« Midi Libre » pour « Le Monde »)


Une histoire mouvementée

1972. Création d’Air Littoral au Castellet (Var). La compagnie s’installe à Montpellier en 1976.

1991. KLM entre dans le capital à hauteur de 35 % pour 150 millions de francs.

Novembre 1992. Euralair, par le biais de sa holding CFIA, rachète les parts de KLM.

Décembre 1992. Marc Dufour est nommé PDG.

Septembre 1998. SAir Group, maison mère de Swissair, entre dans le capital à hauteur de 49 %.

Juin 2000. M. Dufour démissionne après des désaccords avec Swissair.

Avril 2001. Un rapport commandé par la comité d’entreprise à Antoine Gaudino indique que M. Dufour et deux autres dirigeants de la société auraient acquis en 1993 des actions d’Air Littoral à un prix sous-évalué puis réalisé d’importantes plus-values.

30 juin 2001. Après la défaillance de Swissair, le plan de reprise de M. Dufour, ancien PDG, est retenu. Swissair lui cède les 49 % qu’elle détenait.

21 août 2003. Le tribunal de commerce de Montpellier ordonne la mise en redressement judiciaire. Le fonds d’investissement américain Wexford est candidat à la reprise, ainsi que Seven Group, Ionis et le groupe Duménil. Aucune n’aboutira.

17 février 2004. La liquidation d’Air Littoral est prononcée.

Voir en ligne : Le Monde

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