« Cette affaire montre que la consolidation longtemps espérée du secteur aérien européen peut se faire dans le plein respect des règles de concurrence. La concentration entre KLM et Air France donnera aux passagers un plus grand choix de destinations et de services, sans qu’ils n’aient à payer un prix plus élevé sur les liaisons sur lesquelles ces compagnies ont une forte présence », a déclaré le commissaire chargé de la concurrence, Mario Monti.
Cette consolidation est la bienvenue
Le 18 décembre 2003, Air France et KLM ont notifié un accord-cadre en vertu duquel Air France devait acquérir le contrôle de KLM.
Bien que l’opération aboutisse à la création du plus gros groupe aérien en Europe, l’enquête de la Commission a montré que les réseaux des deux compagnies étaient largement complémentaires. Air France est plus présente que KLM dans le sud de l’Europe et en Afrique, par exemple, alors que KLM exploite un nombre plus grand de liaisons vers l’Europe du Nord et l’Extrême-Orient.
Du point de vue des consommateurs, l’union des deux compagnies permettra aux clients de KLM d’avoir accès à plus de 90 nouvelles destinations, alors que les clients d’Air France se verront proposer quarante nouvelles liaisons. Les économies que cette opération permettra de réaliser, ainsi que l’amélioration du service qui résultera de la réunion des réseaux, devraient également profiter aux consommateurs et à l’économie en général.
Mais les problèmes doivent être réglés
La Commission a toujours été favorable à la consolidation du secteur aérien, mais elle a aussi toujours insisté pour que celle-ci ne se fasse pas aux dépens des consommateurs. Cela est vrai pour les alliances qui ont eu lieu au cours de la dernière décennie, mais cela est encore plus vrai pour les concentrations, qui sont autorisées une fois pour toutes, alors que les alliances bénéficient généralement d’une immunité antitrust de six ans.
Bien que les deux compagnies soient largement complémentaires, l’opération Air France/KLM la première concentration proprement dite du secteur aérien européen éliminera ou réduira sensiblement la concurrence sur 14 liaisons sur lesquelles elles sont actuellement en concurrence active ou potentielle l’une avec l’autre, à savoir :
- des liaisons intra-européennes :
-
- Amsterdam-Paris,
- Amsterdam-Lyon,
- Amsterdam-Marseille,
- Amsterdam-Toulouse,
- Amsterdam-Bordeaux,
- Amsterdam-Rome,
- Amsterdam-Milan,
- Amsterdam-Venise
- Amsterdam-Bologne.
- des liaisons intercontinentales ou long-courrier :
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- Amsterdam-New York,
- Paris-Detroit,
- Amsterdam-Atlanta,
- Paris-Lagos (Nigeria)
- Amsterdam-Lagos.
L’expérience de la Commission dans ce domaine montre que la principale barrière à l’entrée sur ce marché réside dans la rareté des droits de décollage et d’atterrissage dans les aéroports très encombrés de Paris et d’Amsterdam. D’autres restrictions dues aux réglementations nationales peuvent également faire obstacle à une libre concurrence, notamment en ce qui concerne les vols avec escale sur les liaisons long-courrier.
Engagements
Afin d’écarter les préoccupations de la Commission, les parties se sont engagées à céder 47 paires de créneaux (c’est-à-dire 94 créneaux individuels de décollage et d’atterrissage) par jour [1]. Cela permettra la mise en place d’un nombre total de 31 [2]nouveaux vols aller-retour, par jour, sur les liaisons en cause. Cela signifie, par exemple, qu’un concurrent pourrait démarrer six nouveaux vols aller-retour par jour, entre Paris et Amsterdam, et que ce même concurrent, ou un autre, pourrait également proposer un vol aller-retour par jour entre Amsterdam et New York, ce qui garantit aux passagers sur ces routes un choix de services et des prix compétitifs.
Pour la première fois, la cession de créneaux est imposée pour une durée illimitée, alors que pour les alliances, elle est d’une durée de six ans ; en outre, les créneaux devront être retournés au coordonnateur de créneaux s’ils sont mal utilisés ou sous-utilisés par le nouvel arrivant, et non aux compagnies aériennes partenaires. Afin d’encourager l’arrivée de nouveaux opérateurs, tout nouvel opérateur pourra également obtenir ce que l’on appelle des droits acquis sur les créneaux obtenus sur la liaison Paris-Amsterdam, après une période donnée, à condition qu’il propose un service sur cette liaison pendant au moins trois ans.
Cela signifie qu’il pourra les utiliser pour d’autres destinations, une fois que la liaison ferroviaire à grande vitesse entre les deux capitales sera achevée ou que d’autres concurrents seront apparus. Cette disposition devrait augmenter l’attrait des créneaux à céder.
Comme d’habitude, l’engagement relatif aux créneaux sera accompagné de mesures imposant à Air France et KLM de ne pas augmenter leur offre de vols (« gel des fréquences ») sur les liaisons en cause, afin de donner aux nouveaux arrivants la possibilité de s’imposer comme des concurrents crédibles. Dans le cadre des engagements pris, KLM et Air France ont également accepté de conclure ce que l’on appelle des accords intermodaux avec des sociétés de transports terrestres, par exemple pour accroître l’attractivité de la liaison ferroviaire Thalys entre Paris et Amsterdam (c’est ainsi qu’un passager d’affaires pourrait faire le voyage aller en train et le voyage retour par avion, afin de profiter du plus grand nombre de fréquences aériennes).
Enfin, les autorités nationales néerlandaises et françaises ont donné à la Commission l’assurance qu’elles accorderaient des droits de trafic à d’autres compagnies aériennes souhaitant faire escale à Amsterdam ou Paris sur des liaisons vers les États-Unis ou d’autres destinations non communautaires. Elles se sont également engagées à ne pas réglementer les prix sur les liaisons long-courrier. Ce point est important, dans la mesure où la Commission a tenu compte de l’existence d’une concurrence indirecte, ou concurrence entre réseaux, sur les liaisons long-courrier comme facteur atténuant pour l’appréciation d’une éventuelle position dominante.
Historique
Jusqu’à présent, la consolidation dans l’industrie aérienne avait pris la forme d’alliances, qui n’impliquent pas de changement de la structure de propriété. Parmi les alliances auxquelles la Commission a accordé une immunité antitrust de six ans, conformément au règlement 3975/87 relatif à l’application des règles de concurrence aux accords de transport aérien entre aéroports de l’Union européenne, on peut citer les alliances Lufthansa/Austrian Airlines, British Airways/SN Brussels Airlines et BA/Iberia. La Commission est en train d’achever l’examen d’une autre alliance, entre Air France et Alitalia.
Elle poursuit également l’examen de l’incidence sur la concurrence de l’alliance Skyteam entre Air France, Alitalia et Delta, entre autres .