Plus d’un an de négociations aura été nécessaire pour accoucher d’une opération complexe, qui de surcroît valorise largement KLM. Destiné à préserver les droits de trafic internationaux de la compagnie batave et à ménager les intérêts néerlandais, le montage envisagé prévoit une prise de contrôle progressive de KLM par Air France, en dissociant intérêts économiques et contrôle juridique. L’offre publique d’échange qui sera lancée la première quinzaine de mars, un décalage avec l’annonce de l’opération « dicté par les exigences réglementaires nécessaires à la cotation du holding Air France-KLM à New York », en plus de Paris et Amsterdam, permettra au groupe français de prendre 100 % du capital de KLM - et de payer la somme correspondante -, mais de n’avoir dans un premier temps que 49 % des droits de vote. La nationalité de la cible n’est pas étrangère au montage retenu : en France, la réglementation en matière d’offre publique ne permet pas de dissocier capital et droits de vote, et il est piquant de voir que l’Etat soit, même indirectement, partie prenante à une opération de ce genre. La structure actuelle du capital de KLM reflétait déjà cette déconnexion, puisque les actions ordinaires cotées ne représentent que 73,6 % des droits de vote, tandis que, par le biais d’actions de priorité ou préférentielles, l’Etat néerlandais et une fondation détiennent respectivement 14,7 % et 11,7 % des droits de vote.
La compagnie hexagonale proposera aux actionnaires ordinaires de KLM 11 actions Air France et 10 bons de souscription d’actions (BSA) Air France pour 10 actions ordinaires KLM. Les actionnaires néerlandais seront par ailleurs associés à la création de valeur potentiellement créée par l’opération : 3 BSA donnent le droit, à compter de dix-huit mois après la clôture de l’offre et pour une période de trois ans et demi, de souscrire ou d’acheter 2 actions Air France à un prix d’exercice de 20 euros.
A l’issue de la période transitoire de trois ans, Air France-KLM récupérera les 51 % de droits de vote de KLM qui seront dans l’intervalle détenus à hauteur de 14,7 % par l’Etat (qui conservera, sous une forme atténuée, l’option lui permettant aujourd’hui de monter à 50,1 % des droits de vote de KLM si ses droits de trafic sont menacés) et de 36,3 % par deux fondations hollandaises.
Prime spéculative
Au total, la transaction envisagée valorise KLM 784 millions d’euros (dont 78,6 millions correspondant aux BSA), soit une valeur de 16,74 euros par action, extériorisant une prime de 40 % par rapport au cours de clôture de 11,96 euros lundi soir, et de 77,1 % sur les trois derniers mois. Tandis que le marché intégrait déjà une prime spéculative, Air France n’a donc pas lésiné sur le prix offert : sur la base des capitalisations des deux compagnies lundi soir, KLM représentait 15,9 % du nouvel ensemble, à comparer aux 19 % finalement accordés aux actionnaires bataves dans Air France-KLM (qui deviendront 27 % en intégrant les BSA).
Hier, le titre de la compagnie d’Amsterdam s’est adjugé 12,54 %, à 13,46 euros, tandis que celui d’Air France reculait de 4,16 %, à 13,12 euros, la réaction de la Bourse reflétant en partie la parité retenue. Sur cette base, explique Morgan Stanley, et avant prise en compte de toute synergie, Air France devrait s’ajuster sur une valeur de 12,80 euros par action, et KLM de 16,20 euros. L’évolution boursière des deux futurs jeunes mariés d’ici au lancement de l’offre devrait dépendre de la façon dont le marché arbitre entre l’anticipation des synergies (leur valeur actualisée représente environ 2 milliards de capitalisation boursière supplémentaire) et la probabilité d’échec de l’opération.