Un été plein d’enseignements...
contre la libéralisation de l’électricité
lundi 1er septembre 2003.
La canicule de ce mois d’août cumulée à la sécheresse a menacé la continuité de la fourniture d’électricité : le faible débit des fleuves et leur température élevée ont obligé à baisser la production des centrales thermiques classique et nucléaire. EDF a dû demander à ses voisins et se fournir sur la Bourse de l’électricité, dans une période où la pénurie touchait largement l’Europe. Où est alors l’indépendance énergétique du pays tant vantée pour justifier le parc nucléaire ? Que vaut cette indépendance si elle est défaillante dès que le besoin s’en fait sentir ?
- Le président d’EDF salue la mobilisation du personnel durant cette période difficile et, comme après la tempête de 1999, rend hommage au dévouement des agents pour le Service public. Ce dévouement pourra-t-il exister de la même manière si l’on démantèle l’entreprise, si on la privatise et la soumet à la loi du profit au nom de la sacro-sainte concurrence ?
- Le prix de l’électricité a atteint des sommets durant la canicule sur les bourses européennes : 1000 _ le mégawatheure en France, 2000 _ aux Pays Bas, pour un prix habituel de 25 _ environ... Or l’électricité n’est pas plus coûteuse à produire quand il fait chaud. Cette hausse phénoménale reflète simplement le fonctionnement du marché boursier avec ses forts mouvements de spéculation. Pour l’instant seulement 5% de l’électricité se négocie sur la bourse. On frémit en pensant à l’avenir. Imagine-ton voir sa facture d’électricité multipliée par 50 ou 100 chaque fois qu’il fait trop chaud ou trop froid ? Où sera la baisse des prix promise grâce aux bienfaits de la concurrence et de l’ouverture du marché ?
- On peut remarquer que l’ouverture du marché a déjà entraîné la hausse du prix de l’électricité : alors que depuis 10 ans, le tarif de l’électricité baissait régulièrement (-25% en 10 ans) faisant bénéficier les usagers des gains de productivité d’EDF, le kilowattheure vient d’augmenter de 3%
en juillet 2003. Pourquoi ? L’ouverture du marché a lancé EDF dans une frénésie d’achats à l’international (manger pour éviter d’être mangé…). Ces achats inconsidérés ont un coût très élevé qui dégrade les comptes de l’entreprise (cf les pertes massives en Argentine,…) Or il faut bien la
rendre « présentable » puisque le gouvernement veut la privatiser. Résultat : il augmente le tarif de l’électricité. Les usagers sont donc déjà mis à contribution.
- Aux Etats Unis, la gigantesque panne qui vient d’avoir lieu a pour origine le manque d’entretien des systèmes de sécurité du réseau : les producteurs et opérateurs privés ne veulent pas faire les frais d’investissements nécessaires à l’entretien et à la modernisation du réseau.
Une preuve de plus, s’il en était besoin, que la concurrence et l’ouverture du marché de l’électricité, censés entraîner des prix plus bas pour les consommateurs, sont en réalité synonymes de recherche de profits les plus élevés : elle s’oppose aux dépenses de maintenance, de sécurité et
d’investissement à long terme nécessaires pour assurer la fiabilité, la sûreté et le renouvellement des moyens de production.
Il faut tirer les leçons tant qu’il est temps. Dans les pays où la libéralisation de l’électricité a été la plus poussée, le bilan est clairement négatif. Partout le prix de l’électricité a augmenté.
L’exemple californien est bien connu ; aujourd’hui après avoir dû intervenir pour éviter la catastrophe, l’Etat de Californie est tellement déficitaire qu’il a été placé sous surveillance par le FMI, au même titre que les pays endettés du Sud. En Australie, l’Etat du Queensland a renoncé à ouvrir complètement le marché de l’électricité après les résultats d’une étude montrant que le coût global de la libéralisation serait bien supérieur aux bénéfices attendus pour l’ensemble des consommateurs. Partout la libéralisation oblige à la création de nouvelles structures très coûteuses
de régulation et de commercialisation. En Grande Bretagne, la faillite de la compagnie électronucléaire British Energy privatisée en 1996 ne sera évitée que par la subvention du gouvernement… et donc par le financement des citoyens !
Malgré ce bilan négatif, la Commission de Bruxelles, hors de tout processus démocratique, a programmé l’ouverture totale du marché de l’énergie à la concurrence pour le 1er juillet 2007... Il est inconcevable de poursuivre cette marche forcée vers la libéralisation, il faut arrêter et exiger une évaluation complète de toutes les expériences de libéralisation, avec la pleine participation des mouvements citoyens.
Il faut garder la propriété publique des entreprises EDF et GDF, seule capable de garantir les investissements nécessaires dans un souci de service public et non de rentabilité à court terme. Il faut y intégrer le contrôle citoyen de la politique énergétique.
EDF doit cesser ses achats à l’international qui outre leur coût financier ont un coût social très lourd : ils s’accompagnent le plus souvent de réductions massive d’emplois (Edenor en Argentine, Light au Brésil, etc). Le BIT (Bureau international du travail) et la Commission européenne ont
chiffré à 30% la perte d’emplois dans le secteur énergétique depuis le début de la libéralisation.
EDF doit développer une stratégie basée sur :
- la satisfaction des besoins en énergie dans un cadre de service public étendu à l’Europe,
- la maîtrise de ces besoins c’est à dire en priorité la recherche d’économies d’énergie (il faut donner les moyens de sa mission à l’Ademe, agence de maîtrise de l’énergie, qui a vu son budget sévèrement amputé)
- la diversification des moyens de production électrique
- la coopération avec les autres acteurs énergétiques européens (à l’opposé de la prédation actuelle)
Voir en ligne : SUD Energie