PREAMBULE
Nous ne pouvons faire le point de la situation du transport aérien fin 2002 sans rappeler les contexte général de l’économie mondiale et des négociations de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce ) et précisément l’accord en cours de négociation secréte, l’AGCS (Accord Général sur le Commerce des Services ) [1] qui ne sera dévoilé qu’en mars 2003.
L’AGCS découpe l’activité économique en secteurs et sous-secteurs(pour AF : services de transports aérien + services annexes et auxiliaires de tous les modes de transport) (voir encadré ci-contre).
Ce découpage en sous-sous-secteurs veut contraindre les compagnies à découper leur organigramme par entité correspondant à cette nomenclature et à les ouvrir la concurrence mondiale donc imposer des contraintes sociales très fortes sur les salariés actuels.
Cette démarche est complétée en France par la politique de refondation sociale du MEDEF qui veut transférer à la charge du seul salarié une partie des risques couvert par une structure collective ou mutualiste comme la Secu, les ASSEDIC ou la formation.
LE TRANSPORT AERIEN A LA FIN 2002 :
regroupement des compagnies nationales dans trois grandes alliances intercontinentales :
développement des compagnies « Low cost » ( « bas coût ») tout d’abord aux USA puis en Europe
crise économique suite à la spéculation boursière et aggravée après les attentats du 11 sept 01.
En Europe, restructuration et privatisation des compagnies aériennes.
LES ALLIANCES
Apparues il y a moins de 5 ans, 4 alliances dont 3 très importantes dominent le transport aérien mondial :
- STAR autour de Lufthansa et United Airlines + Singapor Airlines et THAI
- ONE WORLD autour de British Airways et American Airlines
- SKY Team autour d’Air France et Delta Airlines + Korean et Aeromexico
- WINGS autour de KLM, Continental et Nortwest.
Ces alliances commerciales permettent à chaque compagnie de se concentrer sur son réseau naturel et d’utiliser le réseau du partenaire à l’autre bout des lignes intercontinentales. Elles démultiplient les relations entre villes secondaires de chaque continent et augmentent les bénéfices sur les lignes intercontinentales en partageant l’offre des avions de chacun des partenaires. (Code share)
Ces alliances ont besoin de hub importants pour concentrer les vols d’apport aux vols internationaux
Ces alliances ont plutôt favorisées les compagnies européennes comme AF, LH, KLM, BA qui ont mieux résisté à la crise que les compagnies américaines. Ces dernières en difficultés économiques se regroupent comme Delta avec Continental et Northwest . D’autres sont en faillite comme United et US Air et se restructurent sous la protection du « Chapitre 11 » qui les dispensent momentanément de régler leurs fournisseurs.
Ces regroupements américains, s’ils font face à la crise actuelle, redonneront un poids plus important aux compagnies américaines dans les grandes alliances. Entraînées dans le tourbillon libéral anglo-saxon, les compagnies et les états européens ne présentent pas d’autres scénario que le regroupement capitalistiques des compagnies européennes privatisées avec les plans de restructuration qui s’ensuivront dans tous les pays.
LES LOW COST :
Ces compagnies assurent 30% du trafic domestique US et déjà 7% du trafic français.
Le principe de base des low cost :
utilisation d’un seul type d’avions
beaucoup de rotations à temps d’escale réduit,
pas de prestations gratuites à bord et service réduit au minimum
frais distribution réduit (internet et centrale de réservation téléphonique essentiellement) .
frais de personnel réduit externalisation et sous-traitance de quasiment toutes les activités ;
flexibilité du personnel multi-taches et très peu d’encadrement.
Southwest a développé ce concept aux USA depuis plus de 15 ans. C’était une modernisation de l’organisation de Northwest mis en place dans les années 60 mais utilisant des aéroports secondaires moins encombrés et moins cher à l’utilisation. Ce concept a été utilisé en France par Air Inter depuis 1974 pour développer son réseau sans subventions publiques.
Les compagnies à bas coûts actuelles réduisent leur coût par une compression des frais de personnel. Elles n’embauchent que le personnel commercial, ont un taux d’encadrement réduit donc moins de frais fixes. Les autres activités sont totalement sous-traitées donc flexibles sans avoir à gérer les plans sociaux !
Ces compagnies n’hésitent pas à exiger des subventions publiques pour développer leur activité voir Ryanair avec des aides à Charleroi en Belgique et à SXB en France. Ce qui a entraîné une enquête sur la situation anticoncurrentielle par la Commission européenne
Les compagnies à bas coûts font le bonheur des aéroports régionaux français . En 2002, sur les 26 aéroports accueillant des compagnies à bas coûts, 19 entrent dans la catégorie des plates-formes aéroportuaires régionales, dont la capacité d’accueil est comprise entre 100 000 et 1 million de passagers par an. L’expansion du marché des low costs a permis le développement de ces aéroports. Depuis son installation en 1997, Ryanair a grandement contribué à la croissance de Beauvais-Tillé, qui accueille désormais une dizaine de compagnies, la proximité immédiate de l’Ile-de-France ayant participé à ce succès. Pour 2002, les estimations de trafic à Beauvais-Tillé tablent sur 650 000 voyageurs, dont 420 000 pour Ryanair, 160 000 pour Goodjet et 50 000 pour Ciao Fly. L’aéroport de La Rochelle, pour sa part, doit sa survie à l’installation de la compagnie Buzz. Grâce à son arrivée, cette petite plate-forme a enregistré 30 000 passagers entre avril 2001 et mars 2002. D’ici la fin de l’année, elle espère atteindre le chiffre de 60 000 et même 100 000 passagers en 2003, selon Thomas Juin, directeur de l’aéroport.
Les compagnies « major » essaient de s’adapter à ce nouveau marché en créant des filiales low-cost ou low fare (bas prix) ou en développant une politique marketing avec une offre tarifaire adaptée comme l’a fait Air France pour l’hiver 2002/2003..
CRISE ECONOMIQUE
Activité soumise aux aléas économique et politique
L’explosion de la bulle TMT (actions des entreprises télécom, médias et technologiques ), la mise en cause de la gestion frauduleuse de grandes firmes mondiales avec la complicité de grands cabinets d’expertises internationaux ont fortement ébranlé les fondement du système capitaliste mondial et fait chuté durablement les bourses mondiales. L’activité économique a stagné voire reculé certains mois aux USA et en Allemagne, le chômage est reparti à la hausse, rien ne va plus, les profits chutent et les fortunes s’amassent moins vite !!!
Mais les responsables ne veulent rien changer au systèmes, il faut toujours réduire les masses salariales, augmenter les profits et baisser les impôts. Tout plus pour les riches et en laisser moins aux autres !
A cette crise économique, s’ajoutent les risques d’une guerre au Proche Orient attisés par l’impérialisme américain sur le pétrole avec en retour les menaces d’attentats visant les intérêts occidentaux.
Un climat peu propice aux déplacements donc pas favorable à un développement du transport aérien dans le court terme.
La seule année de croissance négative du transport aérien, en 1991, nous enseigne deux choses : il faut au moins un an pour un retour à la normale, et ce retour ne signifie rien s’il ne débouche pas lui-même sur une croissance rentable ", selon Tom Murphy, directeur général des services financiers de l’Iata.
Les compagnies américaines en difficulté
Les compagnies américaines devraient en effet accumuler 5 milliards de dollars de pertes cette année et le retour aux bénéfices n’est pas en vue avant 2004. Elles subissent plus fortement cette crise économique car elle intervient après une période de forte progression des résultats et de revalorisation salariale des PNT (accord triennal) mais aussi avec le développement important des compagnies « low cost » qui grignotaient déjà le marché des compagnies traditionnelles. Les compagnies européennes se sont aussi renforcées dans les années 90 et ont su tirées profit des accords de « ciel ouvert » imposés par les USA.
Dans ce contexte déjà difficile, la très forte baisse du trafic après les attentats du 11 septembre 2001 a dégradé les comptes des principales compagnies. Malgré l’aide massive du gouvernement américain, plusieurs n’ont pu échappée à la faillite et se sont placées sous le « chapitre 11 » comme United Airlines, la deuxième compagnie américaine et numéro deux mondial ou US Air.
Remise en cause du modèle économique
Le modèle économique des compagnies aériennes traditionnelles est attaqué. En 2001, aux USA, 66% de l’offre domestique était concurrencés par les « low cost ». Aujourd’hui, cette proportion est passée à 75%. Le niveau des recettes générées par les passagers affaires est en baisse. Les sites internet facilitent, pour tous, la recherche des meilleurs prix. Des coûts supplémentaires pèsent sur les comptes des compagnies depuis le 11 septembre.
Ce phénomène qui est en train de toucher non seulement les Etats-Unis, mais aussi l’Europe remet en cause tout un modèle économique tout du moins sur toutes les lignes de courte et de moyenne distance.
Pour répondre à ce défi, les compagnies classiques tâtonnent encore, des deux côtés de l’Atlantique, à l’image de l’américain Delta Air Lines, qui s’apprête à lancer une filiale « low cost » quand British Airways a rapidement abandonné l’expérience lancée dans ce domaine avec Go, cédé depuis à EasyJet, l’un des spécialistes européen en la matière. Difficile, en effet, de faire cohabiter sous un même toit des méthodes de travail et des cultures différentes. Repeindre les avions, changer de nom ou de logo comme l’ont fait récemment les repreneurs de transporteurs en difficulté comme Sabena, Swissair ou, en France, Air Liberté ne suffira pas si les responsables ne s’attaquent pas aussi en profondeur à leurs structures de coûts.
Forte turbulences dans les prochains mois
Derrière la remise en cause du modèle économique des compagnies classiques qui recherchaient le profit maximum sur les lignes internationales avec des tarifs élevés sur les lignes domestiques pour des clients qu’elles estimaient captifs, c’est aussi les conséquences économique de la faillite de la 2éme compagnie mondiale qui va devoir réduire sa toile. Moins de vols, moins d’effectifs, moins d’avions. Des appareils en leasing vont devoir trouver preneurs probablement à des tarifs bradés pour éviter la faillite des organismes financiers loueurs comme ILFC ou GE.
Des avions loués moins chers, des personnels qualifiés à la recherche d’emploi donc moins exigeants sur les conditions salariales associée à une politique marketing plus agressive pour remplir les avions afin de rembourser les dettes, le marché du transport aérien risque de subir de forte turbulences dans les prochains mois.
En Europe, la Lufthansa, partenaire d’United dans Star Alliance va probablement perdre des destinations et des passagers aux USA à cause des fermetures de lignes et/ou d’escale de United. En réaction, elle risque de chercher à développer son activité en Europe et vers l’Asie et l’Afrique.
Des changements en profondeur devraient donc être décidés, passant par la consolidation du secteur. Or, malgré toutes les mesures déjà prises, la confusion et l’attente d’un hypothétique retour de cycle semblent rester de mise. d’après le FINANCIAL TIMES du 24.juillet 2002.
Comme dans les années 90
La crise économique des années 90 a exarcerbé la concurrence entre compagnies aérienne qui vendaient à perte, certaines sous la protection du Chapitre 11. Les compagnies américaines avaient perdu en 4 ans les bénéfice des 40 années précédentes. Aujourd’hui, selon Robert Crandall, ancien PDG d’American Airlines, « l’industrie a perdu tout l’argent qu’elle avait gagné depuis le premier vol des frères Wright en 1903 » !
PRIVATISATION- RESTRUCTURATION DES COMPAGNIES EUROPEENNES
La crise économique de 2001 a été fatale à plusieurs compagnies nationales publiques ou privées comme SWISSAIR SABENA ou OLYMPIC AIRWAYS. D’autres ont du s’allier avec les leaders des alliances comme IBERIA avec BRITISH AIRWAYS ou ALITALIA avec AIR FRANCE.
Après une première étape de rapprochement commercial avec partage des réseaux entre compagnies mais sans échange capitalistique, les alliances passent à la seconde phase : échanges capitalistiques entre « major » et absorption ou disparition des compagnies moins importantes comme Sabena, Swissair,...
Organisation des compagnies en Holding et filiales
Les compagnies aériennes se structurent selon un schéma conforme pour l’application des projets de l’OMC et l’AGCS : Une maison mère avec les activités « cœur de métier » ou Core Business (programme, marketing, financier) et des filiales métier (maintenance, informatique, hôtellerie, services aéroportuaires, fret, commercialisation, ... ) . C’est le schéma que Ch Blanc voulait mettre en place en 1995 à AF.
concurrence sociale
Cette structure supprime toute cohésion d’entreprise entre salariés et développe la concurrence entre services. Elle permet surtout de sous-traiter ou externaliser des pans entiers d’activité et met en concurrence sociale les salariés actuel de la compagnie aérienne avec ceux d’entreprises à statuts moins favorable ou délocalisées dans des pays peu scrupuleux des garanties sociales des salariés. Les salariés en place ont le choix entre dégrader leurs conditions de travail ou de rémunération, de changer de métier ou d’être virés !
privatisation = prétexte
La privatisation sert de prétexte aux gouvernements européens pour céder aux exigences de l’OMC et aux dogmes du libéralisme. La soi-disant meilleure gestion privée permet aux financiers d’acquérir des compagnies aériennes, de les restructurer pour les recentrer sur les activités les plus rentables et d’abandonner la charge de la collectivité, donc de nos impôts, les coûts des restructuration sociale, les lignes moins rentables mais nécessaires aux développement économiques des régions