Scénario catastrophe !<span
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<span
style='font-size:12.0pt;font-family:"Times New Roman"'>LA campagne d’affolement
sur l’avenir des retraites par répartition en France, a les caractéristiques
des fausses évidences : puisque l’espérance de vie augmente, la « charge »
des inactifs sur les actifs va devenir intenable. Pourtant, au rythme de croissance
et d’augmentation de la productivité des dernières années, le prétendu « choc
démographique » n’est qu’un leurre.
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style='font-size:12.0pt;font-family:"Times New Roman"'>
En
cinquante ans la population française est passée de 41 millions d’habitants
à 58 millions. Alors que les besoins alimentaires se sont accrus, la population
active agricole s’est effondrée de 7,5 millions à 1,2 million d’individus.
Le nombre de personnes à la charge de chacun d’eux est donc passer de 5,3
à 48,3. L’évidence mathématique est là : le pays se trouve au bord de
la catastrophe alimentaire, c’est la famine.
Ce scénario catastrophe n’a pas eu lieu. C’est pourtant ce qu’auraient pu
prédire les experts si à l’époque, on avait tenu alors le raisonnement que
l’on nous sert aujourd’hui en ce qui concerne les retraites.
Selon "ces experts", le rapport entre retraités et actifs passera
de 4 à 7 pour 10, soit + 75 %, alors que, dans le même temps, les dépenses
du système de retraite français augmenteront de 12,1 % du produit intérieur
brut (PIB) à 15,8 %.
L’argumentation repose essentiellement sur la dégradation du rapport retraités-actifs,
présenté comme « déterminant ».
LES mêmes qui, au nom du fameux rapport
retraités-actifs, s’alarment pour l’avenir des retraites devraient nous expliquer
comment, dans le même temps, ils affirment qu’il faut licencier les travailleurs
pour améliorer les performances des entreprises.
De
l’augmentation du fardeau humain, on passe donc à la question des capacités
de financement.
Ainsi,
le glissement des retraités aux actifs progresserait de 420 000 personnes
en 2010 à 920 000 en 2020 et 1 400 000 en 2040.
normal'>
La capacité de financer tout prélèvement repose donc, en dernier ressort,
sur le produit intérieur brut (PIB). Or, selon les projections du Commissariat
général du Plan, celui-ci devrait augmenter de 9 600 milliards entre
1998 et 2040, ce qui représente plus de cinq fois l’augmentation de la charge
des retraites, estimée à 1 837,6 milliards de francs.
Trois aveugles et un éléphant
Trois aveugles palpaient un objet : le premier déclara qu’il s’agissait
d’une grosse ficelle, le deuxième d’un tuyau d’arrosage et le troisième d’un
arbre. C’était un éléphant. L’un examinait la queue, l’autre la trompe et
le dernier se trouvait près d’une patte. Semblables à ces aveugles, deux « experts »
exploraient la question du travail, l’un du seul point de vue de l’emploi
et l’autre des retraites :
normal'>« Pour combattre le chômage, il faut, dit le premier, <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>réduire la période d’activité de chaque travailleur
et multiplier les départs anticipés à la retraite. » « Pour soulager
les comptes, on doit, dit le second, <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>prolonger la période d’activité et différer
les départs à la retraite. » Et les gouvernements s’efforçaient de
suivre simultanément l’une et l’autre prescriptions, chacune marquée du sceau
de l’évidence.
C’est une absurdité que d’isoler un problème pour l’examiner, réduit à son
aspect comptable, indépendamment de ses interdépendances dans l’espace et
dans le temps.
Les réseaux relient les acteurs à la fois entre eux et avec les milieux dans
lesquels ils opèrent. L’efficacité des systèmes éducatif, de communication,
de transports et de santé, celle de l’administration deviennent des facteurs
décisifs de la productivité nationale. La production, tout comme la répartition
est devenue un phénomène collectif.
La relève du travail par la machine représente une tendance de fond avec
laquelle il faut compter. De 1973 à 1994, en effet, le volume de l’emploi
passait de 21 à 22 millions de travailleurs en France, et de 26,65 à 28 millions
en Allemagne, mais le nombre total d’heures travaillées dans chacune des deux
nations s’abaissait de 40 à 35 milliards dans la première, et de 50 à 44 milliards
dans la seconde. Sans réduction des temps de travail, la France aurait compté
3 millions de chômeurs de plus en 1994, et l’Allemagne 4 millions. C’est cette
réduction - et non l’inverse - qui reste la voie royale d’un rééquilibrage
entre population occupée et inoccupée... pourvu qu’on ne la détourne pas de
ses objectifs réels.
LA DUPERIE DES FONDS DE PENSION
On distingue deux grands types de systèmes de retraite. Dans la répartition,
la cotisation prélevée sur les salaires des actifs sert à payer les pensions
des retraités. En capitalisation, la pension est une rente provenant de l’épargne
accumulée par chacun durant sa vie de travail.
D’après
rapports officiels et campagnes alarmistes, en France, le vieillissement de
la population remettrait en question l’actuel système de retraites par répartition.
normal'>Un examen
des arguments avancés révèle toutefois leur manque de probité scientifique,
de même qu’une ignorance des carences et des échecs du modèle américain semble
tabler sur la naïveté ou l’ignorance du public et des élus en baptisant « plan
sécurité retraite » un système qui serait, au contraire, l’otage des
placements spéculatifs.
LA population vieillit, donc les retraites par répartition vont exploser,
donc il faut introduire une dose de capitalisation. Le discours n’est pas
neuf : en 1980, le Commissariat général du Plan le dénonçait, voyant
dans la capitalisation « une régression
sociale fondée sur des illusions économiques ». Aujourd’hui, c’est
pourtant le commissaire en personne, M. Jean-Michel Charpin, qui anime
une commission de concertation où le message en faveur de la capitalisation
est lourdement asséné aux partenaires sociaux. Les deux assertions qui le
fondent sont pourtant fausses : la répartition peut très bien accompagner
le vieillissement démographique, mieux sans doute que la capitalisation, qui
représente un saut dans l’inconnu et une machine de guerre de la finance contre
le salaire.
La note de la commission Charpin présentant les projections démographiques
et macro-économiques à l’horizon 2040 comporte cette perle significative :
« A l’horizon d’un demi-siècle,
les incertitudes entourant l’évolution du chômage sont considérables et incitent
à privilégier une approche en termes de chômage d’équilibre. Or les estimations
récentes sont relativement convergentes vers un niveau de 9 %. »
C’est donc ce taux de chômage d’« équilibre » - d’autres diraient
« naturel » - qui, dans un document officiel, est retenu comme référence
pour les quarante ans à venir...
On
ne détaillera pas ici cette « théorie » indigente, qui ne parvient
pas à chiffrer ce fameux « taux d’équilibre », mais qui ne craint
cependant pas de le projeter sur deux générations. Ce genre de détail en dit
long sur un discours technocratique tout aussi incapable de saisir le ridicule
de telles élucubrations que de prévoir qu’elles ne pourraient être prises
comme base de discussion.
Une étude publiée en 1996 dans la revue de la Commission
européenne évaluait à 90 sur 100 les probabilités qu’en 1994 le taux de chômage
d’équilibre en Europe ait été compris entre 2,8 % et 18,8 % !
D’autres insistent sur le fait que les dépenses de retraite vont tripler
dans les quarante prochaines années. Un triplement
normal'>a priori extravagant, mais qui n’implique après tout qu’une croissance
de 2,8 % par an. Et, si l’on prend la peine de faire quelques calculs
rétrospectifs, on constate que le montant des retraites a non pas triplé,
mais décuplé au cours des quarante dernières années ! Il y a déjà eu
triplement en douze ans, entre 1961 et 1973, et une nouvelle fois en vingt-cinq
ans, entre 1973 et 1998.
Le résultat final possible pourrait être présenté d’une manière autrement
attrayante.
En tablant sur une croissance de la productivité de 2 % par an (semblable
à la moyenne observée au cours du siècle écoulé), il est possible de faire
progresser les retraites au même rythme que le salaire net (0,5 % de
productivité), de faire passer progressivement la durée hebdomadaire du travail
à 30 heures (0,6 % de productivité) et d’assurer une progression générale
du pouvoir d’achat de 0,9 % par an. Et cela sans même augmenter le sacro-saint
coût salarial unitaire. Le pouvoir d’achat de tous aurait ainsi progressé
de 50 %. A partir de choix différents, on peut aussi arriver en 2040
à une situation où la durée hebdomadaire du travail serait seulement de 25
heures, et où chacun - salariés et retraités - disposerait d’un revenu supérieur
de 25 % à ce qu’il est aujourd’hui.
Or cette fable ne tient pas, comme le commissaire du Plan lui-même a bien
été obligé de le rappeler dans son commentaire au rapport Davanne : <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>« C’est dans l’économie réelle que se
situe la véritable difficulté (...). La
finance ne sait pas transférer dans le temps des créances réelles. »
Si, dans vingt ans, les revenus globaux - et parmi eux les retraites capitalisées
- devaient être supérieurs à la production, il y aurait à ce moment augmentation
de l’inflation car, poursuit M. Charpin,
normal'>« le niveau général des prix est endogène ». Autrement dit,
« pour chacun des dispositifs envisagés,
il faut expliciter comment il engendrera une quantité supplémentaire de biens
et services ».
On attend effectivement toujours cette explicitation... Et pour cause :
la démonstration que la capitalisation permettrait d’accroître le rendement
économique réel (le taux de croissance) est impossible à faire, cette prétendue
supériorité ne pouvant que s’autodétruire. C’est ce que souligne le député
socialiste Jérôme Cahuzac, qui ne s’aperçoit d’ailleurs pas, au passage : <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>« Le passage massif à la capitalisation
ferait disparaître l’attrait même de la capitalisation, à savoir le rendement
réel élevé des actions représentatrices (sic)
normal'> du capital productif. »
Cet argument vaut aussi pour le nouveau produit d’épargne-retraite que propose
cette même personne par ailleurs.
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) détaille
le mécanisme : « A mesure
que les membres des générations du baby-boom partiront à la retraite, dans
dix à vingt ans, ils auront probablement un comportement de vendeurs nets,
au moins pour une partie des titres accumulés durant leur vie de travail.
La génération suivante est de moindre taille, et il existe donc une possibilité
de baisse du prix des titres. De plus, et en raison également de la taille
réduite de cette génération, le stock de capital augmentera plus vite que
la force de travail, et cela tendra également à faire baisser les rendements
sur les actifs réels ; il existe donc une possibilité que, au moment
de la retraite, la génération du baby-boom découvre que le revenu tiré des
fonds de pension est inférieur à ce qui avait été prévu par simple extrapolation
des tendances actuelles. »
la règle d’or devrait plutôt être de recourir avec parcimonie à une finance
incontrôlée et incontrôlable, et de donner la priorité à l’activité économique
réelle. Créer des emplois est, après tout, une méthode plus sage et plus durable
pour financer les retraites que de les jouer en Bourse.
y a donc de sérieuses raisons de refuser absolument leur principe même :
céder si peu que ce soit reviendrait à dégrader les rapports de force sur
ces modalités. Face à un Mouvement des entreprises de France (Medef , ex-CNPF)
qui propose, par exemple, d’allonger à 45 les annuités ouvrant droit à une
retraite à taux plein, il faut construire ce rapport de forces à l’intérieur
même du système par répartition. Et, sur le fond, il faut réfléchir sur ce
constat de bon sens : comment une société qui vieillit pourrait-elle
se dispenser de consacrer aux vieux une fraction croissante de son revenu ?
<span
style='font-size:13.5pt;mso-bidi-font-size:12.0pt'>
L’avenir pour la retraite par répartition
Parlera-t-on encore de retraites en l’an 2040 ? Le nombre d’heures travaillées
dans la nation ne cesse de se réduire, la part des prestations sociales dans
les revenus des ménages passe de moins de 22 % en 1970 à près de 33 %
en 1996.
Ce n’est donc pas la capacité de
financer les retraites qui est en cause, mais la possibilité de le faire dans
les modalités actuelles : le poids croissant d’une population dont les
espérances de vie augmentent pose bien un problème de financement par rapport
à une assiette salariale en régression relative. Deux voies nous sont alors
ouvertes : le renforcement de l’assiette actuelle par une politique d’emploi
et de rémunérations qui rapprocherait la masse des salaires et cotisations
sociales de son niveau antérieur (69 % de la valeur ajoutée en 1982,
contre 60 % en 1997) ; l’extension de l’assiette du financement
à l’ensemble du PIB, seule mesure de la capacité contributive de la nation.
Mais on peut aussi chercher à comprendre les évolutions et les piloter. La
réduction des temps de travail et l’instauration progressive d’un revenu « suffisant »
garanti viendraient les couronner. Alors, tout au long de son existence, chacun
se trouverait en mesure d’alterner périodes de travail, de loisir, de culture,
de formation... et de choisir le moment, plus ou moins éloigné, où il mettrait
fin à ses activités. La question de l’âge de la retraite ne se poserait plus.
Voulons-nous construire l’avenir dans la cohérence et l’harmonie, ou préférons-nous
le subir dans le désordre et l’absurdité des sacrifices inutiles ?
Mais nous n’en sommes pas là aujourd’hui. Il nous faut construire notre base
revendicative matière de retraite. On vu de ce que nous venons de développer
et au projet de société que nous défendons, <span
style='font-size:14.0pt;mso-bidi-font-size:12.0pt'>
Nous pouvons revendiquer haut et fort :
- L’abandon de tout projet de retraite par capitalisation.
- La lutte pour la défense de la retraite par répartition.
- La nécessité de réaffirmer l’indispensable lien de solidarité entre les générations par la consolidation de la retraite par répartition.
- L’extension de l’assiette de financement à l’ensemble du produit intérieur brut.
- Le retour aux 37,5 anuités dans le cadre d’une réduction définitive de la durée du travail permettant ainsi l’accès à l’emploi des jeunes.
- La retraite à 55 ans calculée sur les 10 meilleures années.