A l’aéroport de Gosselies, explique Michel Goldman, permanent CMB (FGTB-Métal), « les salaires sont en-dessous de 400 F brut l’heure, la flexibilité énorme. On rappelle le personnel à n’importe quel moment. Il faut se donner corps et âme pour l’entreprise. Même lorsqu’on a fini sa journée, s’il y a un avion imprévu, il faut le vider. Heureusement que l’aéroport est encore fermé de 23 à 6 heures. »
Tony Demonte, permanent CNE (CSC-employés), ajoute que « la flexibilité est propre à celle des aéroports périphériques, mais les salaires sont juste au-dessus des barèmes légaux. Il y a huit mois, l’effectif de personnel pour créer une délégation syndicale n’était pas atteint. Actuellement, il y a environ 150 personnes. Une délégation CNE existe depuis deux mois. Non à Ryanair (la compagnie qui dessert l’aéroport) mais à BSCA (Brussels South Charleroi Airport, qui gère l’aéroport). Pour l’instant, BSCA respecte le fait syndical. »
Passager à ses propres risques et périls
Le BSCA a été créé par la Région wallonne et son premier président est Jean-Claude Van Cauwenberghe (PS). Lorsqu’il est devenu Premier ministre wallon, son proche ami Wagner, transporteur routier, lui a succédé. Le capital de BSCA vient de Sambre-invest, argent public provenant de la restructuration de la sidérurgie.
L’équipe de L’Hebdo [1] s’est rendue en Irlande pour un reportage sur Ryanair. Au fur et à mesure de leur enquête, Ryanair est devenue de plus en plus muette, leur refusant finalement l’accès à certains bâtiments du personnel. En Irlande, 1.500 personnes travaillent pour la compagnie. Mot d’ordre : « Ici chaque minute compte ». Pas de syndicat. Les billets d’avions sont vendus presque exclusivement par Internet ce qui fait que l’effectif du call-center est passé de 300 à 150 personnes.
Le personnel navigant doit faire 80 à 100 vols par mois (4 à 6 vols par jour) pour « bien » gagner sa vie. Le re-décollage se fait après 25 minutes. Les hôtesses de l’air contrôlent elles-même les tickets et s’occupent des déchets laissés par les passagers. Leur salaire de base est de 25.000F par mois. Le reste est primes de vol et pourboires. Les salaires sont payés en Irlande car le coût salarial y est des plus bas. Les pilotes doivent payer leur formation à la compagnie. Et interdiction pour le personnel de donner des interviews à la presse.
Qui paie le low cost ? Vous et moi
L’Hebdo donne la parole à deux personnes d’un certain âge ayant pris un ticket aller-retour. Ils sont en procès : il n’y a jamais eu de retour. En outre, les passagers sont parqués comme des sardines, les boissons et repas à bord sont payants (180F le coca). Si un vol est retardé, l’hébergement est aux frais des voyageurs.
En vue d’attirer des sociétés comme Ryanair, la Région wallonne s’est lancée dans un vaste développement de l’aéroport de Gosselies. Un nouveau hall pour passagers sera construit au nord de l’aéroport pour 4,5 milliards de francs. La piste sera allongée pour 1 milliard supplémentaire.
Face aux mouvements de protestation des riverains, le gouvernement PRL-PS-Ecolo a été obligé de décréter Gosselies aéroport de jour (dans les faits, un quart des mouvements s’effectue entre 22 et 7 h) et d’indemniser les riverains. Mais c’est le contribuable et non le « pollueur sonore » qui paie.
Même si les besoins sont largement sous-estimés, la Région wallonne devra intervenir pour 3 milliards à Charleroi : pour l’expropriation de 140 maisons en zone A et l’isolement des habitations en zones B (indemnité de 400.000 F/maison), C (200.000 F) et D (100.000 F).
A l’aéroport de Bierset, près de Liège, la SAB (Société de Gestion de l’Aéroport de Bierset) a un actionnaire unique : la super-intercommunale Meusinvest. Président : le ministre Happart (PS). Administrateur : le ministre Forêt (PRL). Des investissements publics ont été réalisés pour 5 milliards de francs ; des nouveaux investissements à subventionner sont prévus pour 3,723 milliards ; des investissements payés par la SAB pour 1,125 milliards. Le rachat d’habitations est évalué à 5,725 milliards, l’isolation des maisons entre 4,9 et 17 milliards (l’insonorisation coûte de 0,4 à 1,4 million pour 12.206 habitations). Soit un total pouvant aller de 20,5 à 32,5 milliards.
En divisant ce coût global par le volume de l’emploi direct et indirect (2.445 équivalents temps plein), on obtient un coût unitaire par emploi créé situé entre 6 millions (scénario minimal) et 10 millions de francs (scénario maximal). En comparaison, le coût unitaire par emploi en sidérurgie, réputé un des plus élevés, est généralement évalué autour des 5 millions de francs.
Du déjà vu aux Etats-Unis
Lors de la dérégulation du transport aérien aux Etats Unis, dans les années 80, Frank Lorenzo, de Texas Air, achète Continental Airlines. Il met la société en faillite et impose des baisses de salaire. Jusqu’à 50% des rémunérations antérieures. Il diminue l’effectif de deux tiers. Dès 1984, il élimine complètement la présence syndicale. La firme devient celle qui a les coûts salariaux les plus bas. Toutes les conventions collectives interdisent les grèves et l’ancien patron d’Eastern Airlines, Frank Borman, déclare : « En fin de compte, le décret de la déréglementation, à défaut d’autre chose, a été la plus grande loi antisyndicale jamais adoptée par le congrès américain. » [2]
Johnny Coopmans, Michel Mommerency, Alice Bernard
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