Le Fonds de réserve des retraites (FRR), constitué pour compléter les régimes généraux du privé et ceux des commerçants et des artisans, se met progressivement en place. Apparu en 1999 au sein du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) afin d’assurer la pérennité des régimes de retraite de base du privé, le FRR a réellement vu le jour grâce à une loi de juillet 2002. Il n’a été concrètement mis en place qu’en novembre de la même année. Il disposait de 12,58 milliards d’euros à fin 2002.
Ce fonds est alimenté par différents mécanismes. Il bénéficie de 65 % du produit du prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine, ce qui lui assure un revenu d’environ 1,3 milliard d’euros par an. Il est également pourvu par des recettes de privatisation, des excédents du régime général des retraites... A la fin de l’année, l’encours du FRR devrait se situer à 16 milliards d’euros.
L’objectif des pouvoirs publics est de cumuler 150 milliards d’euros d’ici à 2020. Pour ce faire, les versements ne suffiront pas. Il va devoir savoir tirer parti de ses placements. Jusqu’à présent, les sommes du FRR étaient déposées auprès du Trésor public, sur un compte rémunéré au niveau des bons du Trésor moins 0,5 point, soit environ 2 % l’an. Malgré cette faible rémunération, ce placement s’est révélé judicieux, car il a permis d’échapper à la tempête boursière. Mais il sera insuffisant pour atteindre les 150 milliards d’euros voulus dans dix-sept ans.
Le 4 avril, les dirigeants du FRR ont annoncé leurs futurs investissements. Plus de la moitié (55 %) de ses ressources sera investie sur les marchés boursiers et le reste en obligations. La part investie en actions, répartie en titres d’entreprises situées dans la zone euro pour 38 %, et en titres hors de la zone euro pour 17 % ; la part d’obligations sera placée à 38 % en titres émis dans la zone euro et 7 % hors de la zone. Sans la contrainte légale, limitant à 25 % les investissements en actions d’entreprises situées hors de l’espace économique européen et à 20 % de l’actif exposé au risque de change, « la part des investissements hors de l’Europe aurait sans doute été plus forte », indique-t-on au FRR. L’allocation d’actifs « résulte de travaux extrêmement sophistiqués menés à l’aide d’experts extérieurs. Si nous avions suivi à la lettre ces travaux et extrapolé les tendances historiques des marchés boursiers, la part en actions aurait été plus élevée », a précisé, lors de la présentation de ces chiffres, Francis Mayer, président du directoire du FRR et directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).
DES SOCIÉTÉS DE GESTION
Pourtant, le FRR a du temps devant lui. Les premiers décaissements pour aider le régime général des retraites n’interviendront pas avant 2020. On aurait donc pu s’attendre que la part des actions, que beaucoup de financiers présentent comme le meilleur placement à long terme, soit plus importante. D’ailleurs, dans d’autres fonds similaires, la part des actions est supérieure.
Si la Caisse des dépôts assure la gestion administrative du fonds (secrétariat, assistance juridique, sécurité, etc.), la gestion financière sera confiée à des sociétés de gestion sélectionnées sur appel d’offres. Dans quelques jours, un comité de sélection des gérants doit être désigné. D’ici à l’été, un consultant sera chargé de rédiger le cahier des charges des gestionnaires. Le choix des sociétés de gestion devrait intervenir avant la fin de l’année. Au total, une quinzaine de gérants, au maximum, seront retenus. Le FRR pourrait désigner un gestionnaire par classe d’actifs (actions européennes, actions étrangères...). Toutefois, pour les grandes classes, deux, seulement, pourraient être choisis. Le FRR s’attend que beaucoup de sociétés de gestion françaises ou étrangères répondent à cet appel d’offres. Dans un premier temps, les candidatures seront soumises, via Internet, pour aider au dépouillement.
Les premiers euros seront placés sur les marchés dans le courant du premier semestre 2004. Les sociétés de gestion pourront utiliser l’essentiel des grandes catégories d’actifs réglementés, y compris les obligations d’entreprises, dont la notation par les principales agences est au moins égale à BBB - ou Baa3. En revanche, les obligations à haut risque (junk bonds) et les obligations souveraines émergentes en sont exclues.
Les fonds pourront aussi être investis dans des titres non cotés. Cependant, pour le moment, il n’est pas question de faire appel à la gestion alternative, qui a pour but de sélectionner des placements dont l’évolution est indépendante de la tendance des Bourses. La question pourrait être abordée par les dirigeants du FRR dans les prochains mois. Le fonds réfléchit également à la possibilité de réaliser des placements immobiliers, qui sont interdits par la réglementation actuelle.
Joël Morio