Créée en 1999, Aeris s’est fait connaître pour sa communication débridée lors de la déconfiture d’Air Lib. Les syndicats de la compagnie défunte s’étaient indignés de voir Charles-Henri Rossignol, le jeune (32 ans) PDG d’Aeris, aux allures d’étudiant propret d’école de commerce, dévoiler ses projets de remplacement d’Air Lib alors que la compagnie n’était pas encore morte. Lequel Rossignol rétorquait : « Nous en avons assez de cette compagnie qui fait tout et n’importe quoi avec l’argent des contribuables. Et nous en avons aussi assez d’entendre que la fin d’Air Lib serait une catastrophe sur le plan social. »
Depuis, la catastrophe est advenue (3 200 licenciements) et sera à peine adoucie par Aeris, qui promet 300 embauches d’ex-salariés d’Air Lib. A ce jour, la direction dit en avoir recruté « une petite centaine », à des conditions très dégradées (lire ci-contre). Mais l’envol d’Aeris s’annonce plus périlleux que le chante Rossignol. Aeris, qui aurait, selon les syndicats, perdu 3 millions d’euros en 2002, émerge, de l’aveu de sa direction, d’un « hiver difficile ». Selon nos informations, elle est sortie de cette période flanquée d’un mandataire désigné par le tribunal de commerce de Toulouse, qui travaille à un accord entre la compagnie et ses créanciers. Une procédure, dite de « conciliation », qu’avait connue... Air Lib dans ses derniers mois.
La compagnie a, en outre, besoin d’argent pour son expansion. Une augmentation de capital de 7 millions d’euros est prévue, mais le principal actionnaire, le fonds de pension américain DSP (38 % du capital), a averti qu’il ne mettrait pas la main à la poche. En fait, DSP souhaiterait même sortir ses billes, mais attend un peu, « le contexte de l’aérien n’étant pas très favorable à une vente », selon une source proche de la direction de la compagnie. « Aeris est en recherche d’un investisseur, mais nous ne sommes pas aux abois. Des propositions sérieuses sont étudiées. »
Le microcosme évoque aussi un rapprochement avec Euralair, la compagnie d’Alexandre Couvelaire, ex-patron... d’Air Liberté. La direction d’Aeris se donne « un mois » pour boucler un tour de table. Pour un pari osé : conjurer la malédiction d’Air Lib, qui, depuis dix ans, précipite les compagnies privées vers les bas fonds.
Par Cédric MATHIOT