Créer des fonds de pension ?
La proposition, ou la revendication, de créer des fonds de pension pour échapper à la faillite - annoncée par les mêmes - des retraites par répartition, est principalement formulée par les plus libéraux, le MEDEF , les banques, les assurances, une partie de la « classe politique », et par les chefs d’orchestre : la Banque mondiale, le FMI, l’OCDE.
Depuis les faillites retentissantes d’ENRON et quelques autres scandales, les plus prudents ont mis un peu de réserves dans leurs proclamations des effets salutaires des fonds de pension .
Les propagandistes des fonds de pension affirment que de l’épargne, de l’argent « mis de côté » pendant la période d’activité, et judicieusement placé, permettrait ensuite de verser aux salariés/actionnaires devenus retraités une rente/retraite qui assurerait leurs vieux jours. De multiples analyses ont dévoilé les erreurs et les mensonges contenus dans ce discours, et souligné
que les fonds de pension répondraient mal aux difficultés qui résulteraient d’un éventuel « choc démographique ».
- Un fonds de pension n’est pas un « frigo économique » : le capital placé en 2003 n’aura de la valeur en 2020 que si un actif travaille en 2020 pour le valoriser. Qu’il s’agisse de répartition ou de capitalisation, les retraites/rentes sont toujours prélevées, au cours d’une année, sur les richesses produites et disponibles au cours de cette même
année. Les sommes versées régulièrement par des actifs pour alimenter un fonds de pension sont immédiatement placées, et c’est le rendement du fonds (intérêts et dividendes des obligations et des actions, ventes d’actifs financiers, etc…) qui est utilisé pour payer les retraités/rentiers.. - Pour qu’un salarié bénéficie d’une rente lors de sa retraite il faut tout de même qu’il verse de l’argent pendant son activité. Avec les fonds de pension ce n’est certes pas une augmentation de sa cotisation retraite qu’il doit supporter, mais il y a bien une somme qui est soustraite de sa consommation immédiate et de son pouvoir d’achat.
- Il est peut être plus « supportable » pour un salarié d’accepter une augmentation de sa cotisation retraite pendant d’éventuelles années de déséquilibre, car cette somme va être directement et immédiatement transférée aux personnes qui, pendant le même temps, sont retraitées, que de cotiser à un fonds de pension qui devient une structure intermédiaire parasite entre les actifs et les retraités.
- « L’explosion » de la Bourse pendant plusieurs années a été donnée en exemple par les lobbies financiers et leurs porte-voix pour montrer aux salariés que leurs intérêts de futurs retraités résident dans les fonds de pension. En fait, rien ne permettait de pronostiquer la poursuite d’une telle situation pendant 40 ans. Et depuis quelques années, les exemples sont nombreux de fonds de pension états-uniens, canadiens, anglo-saxons, en difficultés financières, en dehors, même de toute malversation de leurs dirigeants.
- En effet, quand des fonds de pension sont créés, ils ont essentiellement des recettes ; celles-ci sont constituées par les versements réguliers effectués par les actifs qui épargnent pour leur retraite. Ces nouveaux fonds de pension commencent par ailleurs à engranger les intérêts et les dividendes des titres placés. Leurs dépenses demeurent faibles car ils ont encore peu de retraités à servir. Leurs revenus financiers servent donc principalement à acquérir de nouveaux actifs financiers.
Pendant toute cette période de « montée en puissance », la demande d’actions et d’obligations sur les marchés financiers est donc
très forte, venant notamment des fonds de pension eux-mêmes, ce qui conduit globalement à l’augmentation des valeurs boursières (« loi » de l’offre et de la demande), souvent bien au-delà de la valeur économique des entreprises (phénomène de « bulle financière » : en 1998 la valeur boursière des principales entreprises cotées était quatre fois plus importante que leur valeur comptable), et également au-delà du taux d’exploitation des salariés dans le procès de production économique.
A mesure que le fonds de pension arrive en « régime de croisière », il lui faut payer des retraités. Ceci conduit à puiser dans le fonds : les intérêts et les dividendes des titres placés ainsi que les ventes de titres vont alors pourvoir au financement des retraites. La demande sur les marchés financiers a donc tendance à diminuer, et c’est leur offre qui progresse, accentuant ainsi la diminution de la valeur des actifs financiers. La capitalisation et les fonds de pension ne garantissent
pas aujourd’hui de bonnes retraites pour demain.
Ceci serait même accentué en cas de « choc démographique » : à mesure que des générations nombreuses partent en retraite, elles ont plutôt un comportement de vendeurs nets de titres financiers ; si la génération suivante est de moindre taille la demande d’achats de titres financiers va plutôt baisser. Les variations démographiques ont des conséquences sur
la capitalisation, contrairement à ce que prétendent les thuriféraires des fonds de pension qui les présentent comme « la » réponse au « choc démographique ». Si il y a moins de « jeunes » pour travailler et cotiser pour financer des retraites par répartition, il y a aussi moins de « jeunes » pour entrer dans les fonds de pension, acquérir des actifs financiers, et travailler pour les valoriser.