Le gouvernement veut faire passer la durée de cotisation des salariés du public de 37,5 annuités à 40 annuités. Le patronat veut carrément que tout le monde travaille six à sept ans de plus. La durée de cotisation nécessaire pour avoir une retraite à taux plein est au cœur du débat actuel.
Une rupture historique
Remarquons d’abord que décaler l’âge de départ à la retraite constituerait une rupture historique. En effet, depuis environ une siècle et demi, avec l’accroissement régulier de la richesse nationale, les gains de productivité générés par un appareil productif de plus en plus performant ont permis, en autres, que le temps passé au travail baisse régulièrement, alors même quela durée de vie augmentait. La grande conquête sociale qu’à été la retraite à 60 ans sur la base de 37,5 années de cotisation en est l ’ illustration. Alors que dans les décennies à venir, la richesse nationale va continuer à croître de façon importante (elle devrait au moins doubler à l’horizon 2040), les projets gouvernementaux et patronaux aboutissent à faire en sorte que les salariés soient exclus de son partage. Remarquons ensuite, que, loin de s’améliorer, les conditions de travail se détériorent année après année.Alors que les décennies précédentes avaient vu une amélioration lente mais continue, la situation se détériore depuis une dizaine d’années. En témoignent le nombre de plus en plus élevé des accidents du travail, l’accroissement du stress, la montée des tensions nerveuses et physiques chez les salariés. Loin d’être un privilège, partir à la retraite assez tôt permet d’être plus en forme pour en profiter. Contrairement à ce qu’affirme le Medef , le destin des salariés n’est pas de travailler jusqu’à épuisement dans les entreprises !
Contrat entre générations
Au-delà, décaler l’âge de départ à la retraite reviendrait à rompre le contrat implicite existant entre les générations. Si les actifs paient les pensions des retraités, en contrepartie, les salariés âgés laissent leur place sur le marché du travail aux nouvelles générations. Cette exigence est d’autant plus forte qu’un chômage de masse continue d’exister . Décaler l’âge de départ à la retraite revient à préférer entretenir le chômage des jeunes plutôt que de payer des retraites.
Mesure hypocrite
Mais il est plus probable que cette mesure aurait en fait une autre conséquence. En effet, les jeunes rentrent de plus en plus tard sur le marché du travail, soit pour cause de chômage, soit pour suivre leurs études. Dans le même temps, les entreprises continuent à se débarrasser de leurs salariés bien avant 60 ans. Ainsi, suivant une étude de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, plus des deux tiers des salariés sont hors emploi (chômage, pré-retraites) au moment de faire valoir leurs droits à la retraite. Il sera de plus en plus difficile de cumuler les annuités requises pour avoir une pension à taux plein. L’augmentation de la durée de cotisation est donc une mesure hypocrite qui vise à la mise en place d’une retraite à taux réduit pour le plus grand nombre.