En mars 2003, Nicolas SARKOZY, alors ministre de l’Intérieur, fait adopter la Loi sur la Sécurité Intérieure autorisant, entre autres, les préfectures à consulter le fichier de police STIC (Système de Traitement des Infractions Constatées) pour accorder ou refuser l’attribution ou le renouvellement des autorisations aéroportuaires.
Les abus sont légion, de très nombreux salariés étant licenciés pour simplement avoir été mentionnés dans une affaire judiciaire même comme simple témoin, d’autres sur simple plainte (dans un divorce par exemple …). L’injustice sociale est tellement flagrante que la CNIL est obligée d’intervenir auprès du gouvernement.
Belle aubaine pour certains employeurs qui saisissent cette opportunité pour mettre fin aux contrats de travail au motif du « fait du prince* ».
La direction d’Air France n’est pas en reste et ce sont des centaines de personnels au sol et navigants qui sont mis à la porte sans préavis ni indemnités depuis 2003.
SUD Aérien décide alors de faire de cette lutte une priorité et multiplie les interventions auprès des sous-préfets du Val de Marne et de la Seine St Denis pour que les salariés récupèrent leur badge - souvent avec succès - mais la psychose sécuritaire du gouvernement rend les négociations de plus en plus difficiles.
SUD Aérien demande alors au Président SPINETTA de négocier un accord de reclassement pour ces agents dans la mesure où l’entreprise n’a rien à leur reprocher et que des milliers d’emplois existent ne nécessitant pas le badge rouge. Le PDG refuse et les ruptures du contrat de travail pour « fait du prince » se multiplient dans l’entreprise.
SUD Aérien décide alors de contester le recours à ce motif de rupture du contrat de travail par Air France et défend le dossier d’un agent de Piste d’Orly, Jérôme BREBAN, devant les Prud’hommes de Villeneuve St Georges.
Après trois ans de procédure, la Cour d’Appel de Paris, dans un arrêt du 16 décembre 2010 (Arrêt BREBAN) vient de condamner Air France pour « licenciement abusif ». La décision de la Cour d’Appel reprend, dans leur intégralité, les arguments de la défense du salarié et ceux mis en avant par SUD Aérien devant les Prud’hommes à savoir (extraits de l’arrêt de la Cour d’Appel du 16 décembre 2010) :
« Le retrait d’une habilitation par l’autorité publique en raison du comportement d’un salarié … ne constitue pas, en soi, un cas de force majeure ni un fait du prince exonérant l’employeur de toute obligation,
ce dernier devant démontrer l’irrésistibilité de l’événement … la clause de résiliation automatique … (prévue au contrat de travail du salarié) ne pouvant priver le juge de son pouvoir d’appréciation … »
Or, dans le dossier de l’agent de Piste, la Cour juge que : « le retrait du badge n’était pas imprévisible pour Air France. Il n’était pas non plus irrésistible puisque la société dispose de nombreux postes en zone non réservée que le salarié aurait pu occuper ».
Air France est condamnée à verser à J.BREBAN, la somme de 37.000€.
Avec tout l’acharnement qui la caractérise lorsqu’un salarié ou un syndicat obtient gain de cause auprès de la justice, la direction d’Air France s’est pourvue en Cassation et n’aura de cesse de faire casser ce jugement favorable aux salariés. En attendant, cet arrêt de la Cour d’Appel fait jurisprudence : il s’impose à elle comme à toutes les entreprises dans la même situation et elle doit l’exécuter.
Air France n’a plus le droit (sauf à se mettre dans l’illégalité) de rompre un contrat de travail pour refus de badge par la préfecture. Elle doit trouver le moyen d’un reclassement. Tous les syndicats d’Air France doivent saisir cette opportunité pour exiger la négociation d’un accord de reclassement spécifique à ces cas très nombreux dans la compagnie.
C’est une énorme victoire pour tous les salariés en France qui souffrent successivement d’une décision préfectorale injuste et arbitraire puis d’un licenciement abusif.
Après trois années de lutte judiciaire, SUD Aérien est heureux d’avoir apporté sa contribution à un peu plus de justice sociale.
Le Bureau national SUD Aérien – janvier 2011
(Ci-dessous et avec son autorisation : la lettre adressée par Jérôme BREBAN à SUD Aérien)
* « fait du prince » ou cas de force majeure : l’entreprise doit prouver que la décision préfectorale s’impose à elle et qu’elle rend impossible la poursuite du contrat de travail.